salle de projection
 

Ali El-Darsa

Du 25 août au 8 octobre 2016
Vernissage le 8 septembre dès 17 h

À l’origine, dédié exclusivement à la photographie, Dazibao s’est inscrit d’abord dans cette mouvance où l’image se définissait par son potentiel documentaire, comme manière de comprendre le monde et par extension d’agir sur lui. Cette approche a rapidement été traversée par moultes questionnements théoriques autour des mécanismes de production des images et de ses usages. Activées davantage par les modus operandi de l’image ainsi que par ses formes nouvelles – vidéo, numérique –, les œuvres produites dans ce contexte se sont parfois quasi évidées de tout désir de représentation.

Loin du constat affirmant une faillite de l’image et affranchis de ce discours autour de son statut ou de sa nature, certains artistes sont d’abord préoccupés par ce que les images peuvent véhiculer... ou non. Dans un monde obnubilé par sa représentation, ces œuvres installent des temps et des conditions de réception qui diffèrent des images médiatiques et sont animées par le désir de montrer sous un jour nouveau des faits ou des récits normalement passés sous silence, sinon habituellement soustraits au regard public.

Ali EL-Darsa, Gabriela Golder, Roberto Santaguida et Sandra Volny proposent quelques approches singulières de ce qui pourrait être une nouvelle vague du documentaire. Une forme documentaire qui travaille souvent par cumul, qui en multipliant les points de vue et en associant plusieurs idées cherche une certaine vérité. F.C.

Né au Liban, Ali El-Darsa vit et travaille maintenant entre Berlin, Montréal et Toronto. Il détient une maitrise en Visual Studies de la John H. Daniels Faculty of Architecture, Landscape and Design de l’Université de Toronto et un baccalauréat de l’Université Concordia (Fine Arts, Intermedia/Cyberarts). Son travail en vidéo, en performance ainsi que ses œuvres sonores et installatives ont été présentées tant au Canada que sur la scène internationale.

Ses œuvres s’articulent autour de questions d’identité, de conception de soi et d’histoires personnelles examinées dans des contextes tant publics que privés. La parole joue un rôle important dans son travail comme outil d’examen, de réflexion et de médiation pour souvent questionner la spécificité des médias et leur rôle crucial dans la création de souvenirs et de récits mis en réseau.

Dans The Color Remains the Same, l’artiste prend ses distances face à la réalité par l’utilisation d’un téléphone portable comme témoin, quoique peu fiable, d’une tranche de son expérience à Beyrouth. Le montage chaotique de la vidéo, tant au niveau du son que de l’image, s’inscrit complètement dans le ton de ce dont elle témoigne, mettant en relief la confusion. Des prises de vue du haut d’un balcon donnent à voir toute l’effervescence euphorique engendrée par la victoire de l’Allemagne en finale de foot, rythmée par les pétarades de feux d’artifice. Puis, à des captures d’écran d’un bulletin de nouvelles télévisées documentant en direct une explosion sur une place publique, se superpose la conversation d’un couple qui ironise sur leur sortie potentielle en de telles circonstances. Des images d’une remise de diplômes dont la bande sonore est un hymne à la terre de liberté qu’est le Liban précèdent d’autres images particulièrement « instables » provenant d’un enregistrement involontaire de la même explosion préalablement vue au bulletin de nouvelles. Dépourvu d’objectifs formalistes, l’œuvre atteint pourtant une forme qui correspond en tout point au tumulte ambiant et, surtout, peut-être, qui symbolise cette difficulté pour l’individu d’y trouver sa place. Tout autant le son (particulièrement la parole) que le visuel dans cette vidéo entretiennent une confusion qui permet d’alimenter des interprétations multiples. Ali El-Darsa propose, dans ce désordre organisé, un intéressant questionnement sur les liens entre la perception individuelle et la mémoire collective alors qu’une grande part de notre « réalité » est préalablement médiatisée. 

The Document Remains the Same se pose presque en écho à The Color Remains the Same. Encore une fois, l’artiste use de cet outil populaire – vraiment low-tech – qu’est le téléphone cellulaire pour réaliser l’œuvre. Cette fois-ci toutefois, non pas tourné vers son sujet, mais plutôt comme une extension du corps du protagoniste, produisant donc des images très parcellaires et agitées. The Document Remains the Same prend ancrage dans l’attentat suicide d’un membre de l’État Islamique dans un hôtel de Beyrouth alors que les forces de sécurité intérieure libanaise allaient procéder à son arrestation. Attentat prématuré puisqu’à l’origine le kamikaze devait se faire exploser dans une banlieue sud de Beyrouth, pendant le Ramadan. Aucune image à ce sujet, ou de ces lieux, ne nous est montrée puisque la vidéo est constituée d’un seul long plan séquence cadrant essentiellement le sol foulé par deux personnes parcourant fébrilement la ville. Une conversation en laisse filtrer quelques détails dans un échange verbal entrecoupé, parfois nerveux, où il est question de se rendre le plus rapidement possible sur les lieux de l’explosion. Présentée sur un écran divisé en deux, l’œuvre montre d’abord à gauche une version non sous-titrée de la vidéo, donc essentiellement en arabe, puis dans un second temps à droite une version sous-titrée. Pourtant, le document reste le même, toujours avare de précisions, davantage modulé par la bande sonore, par son rythme, ses tensions et par notre sentiment de faire corps avec le protagoniste dans ses efforts pour se retrouver dans une ville qu’il redécouvre 14 ans plus tard.



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