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Bridget Moser, My Crops Are Dying But My Body Persists (2020).

 
 
 

Courtiser l'altérité : Prop Performance et Camp dans l'art vidéo canadien contemporain

Le 2 novembre 2023 à 19 h
Évènement Facebook

Entrée libre. Places limitées. Le principe du premier arrivé, premier servi sera appliqué.

Vidéographe et Dazibao sont fiers d'accueillir le talentueux duo Chloë Lum et Yannick Desranleau pour présenter un programme exclusif dans le cadre de notre série dv_vd.

Nous avons élaboré ce programme en pensant que l'intersection entre la prop performance et le camp a été négligée dans le contexte de l'art canadien. Ce que nous présentons ce soir n'est qu'un petit échantillon d'une liste plus vaste qui pourrait aller bien au-delà du médium vidéographique ; la plupart des artistes présenté·es dans ce programme explorant également la sculpture, l'installation et la performance. Ce qui les unit, c'est la place importante qu'occupent les objets dans la mise en scène de leurs œuvres, et un style de performance qui, au moyen du burlesque, du jeu pince-sans-rire, de l'humour ou de l'ironie, parvient à former une critique du monde dans lequel nous vivons, tout en nous captivant par son étrangeté ou son absurdité. Ces objets peuvent être des œuvres qui se portent, confectionnées en atelier, des appendices bricolés, des costumes somptueux ou des articles commandés sur Wish.com et Amazon. L'influence de ces objets sur l'organisation de la vie des artistes peut être évoquée de manière plus subtile. Le sujet de l'œuvre est souvent directement lié à la relation entre l'artiste et ces objets ; des accessoires qui servent de catalyseur à la transformation de l’artiste — un pirate en permission à terre arrivant chez lui vêtu d'un costume complètement différent mais représentant un archétype masculin tout aussi emblématique : le cow-boy. Son costume montre cependant des détails irréguliers: on y trouve des cordes et des extensions inattendues, facilitant les interactions avec son oiseau de compagnie (Bourschied). 

Les accessoires permettent aussi d'affirmer et de renforcer son identité, et défient le regard du spectateur, en portant par exemple du maquillage, des prothèses et des vêtements de manière excessive pour créer un personnage drag critiquant sa propre expérience dans de tels circuits en tant que personne non binaire (Sin). Ou, de manière plus ironique, en critiquant la misogynie propre aux milieux des sous-cultures du cosplay et du jeu vidéo par le biais de costumes absurdes et souvent anthropomorphes (Ben David). Les accessoires peuvent également appuyer un récit personnel en servant par exemple de commentaire matériel et métaphorique à une autofiction douce-amère sur la gloire de la jeunesse (Eyres). Ils peuvent être absents de l'écran, mentionnés uniquement pour appuyer le fait que les protagonistes ne peuvent se consacrer à leur pratique artistique en raison de leur emploi dans le monde de l'art (Life of a Craphead).

Les accessoires peuvent occuper l'avant-scène, tout en ayant un lien ténu avec la narration, ce qui nous amène à nous demander si la performance burlesque sert à ponctuer la série ou les commentaires sur l'anxiété liée à la surconsommation, ou vice-versa (Moser). À travers une série étourdissante de découpages tranchés, cette approche décousue du collage devient une critique cinglante de l'intérêt passager du monde de l'art pour les tendances du marché numérique, où les accessoires font l'objet même de cette critique. Parmi ces clips, le protagoniste se révèle par bribes, sous l'apparence d'un ours costumé à la manière du Fantôme de l'opéra, qui se profile comme une sorte de faucheur d'arnaqueurs en vogue (Cruz). Par la théâtralité, les accessoires aident donc à raconter un large éventail d'histoires. À l'intersection des accessoires et du camp, les objets utilisés par ce groupe d'artistes servent à souligner l'humour, l'absurdité, l'étrange et l'artifice, créant des œuvres d'art qui peuvent déstabiliser et divertir tout en étant inébranlables dans leur esprit critique.

— Chloë Lum et Yannick Desranleau


Programme — 1 h 6 min 50 sec

  • — 21 min. 57 sec.

    Aux côtés d’une collection d’objets de consommation codés et d’aliments beiges pouvant représenter d’autres images, idées et corps, le personnage qui figure dans My Crops Are Dying But My Body Persists tente de se comprendre et de donner un sens au monde qui l’entoure de manière souvent malencontreuse, mais parfois autoréflexive. Par l’entremise d’une suite de montages visuels absurdes et de monologues avec une distribution d’accessoires, elle scrute l’anxiété existentielle liée à la surconsommation capitaliste, la dégradation de l’environnement, l’isolement social et les effets de la suprématie blanche, tout en tentant d'y échapper. Finalement, les idées fausses et illusoires et les appréhensions cèdent la place à l’effondrement et à la désintégration.

    Bridget Moser est une artiste de la performance et de la vidéo dont le travail combine des stratégies relatives à la prop comedy [comédie d'objets], au théâtre expérimental, à l’art de la performance, à la littérature absurde, à l’anxiété existentielle, à Internet et à la danse intuitive. Son travail a été diffusé dans des lieux tels que le Musée des beaux-arts de l’Ontario, Remai Modern, le Musée d’art contemporain de Montréal, la Vancouver Art Gallery, Western Front, Esker Foundation, le Bemis Centre for Contemporary Arts, le John Michael Kohler Arts Center et SPACES, à Cleveland. Son travail a fait l'objet de textes dans Artforum, Frieze, Canadian Art, C Magazine, Art in America et Artribune Italy. Bridget Moser a été en nomination pour le Prix Sobey pour les arts et est la lauréate 2023 du prix de mi-carrière de la Fondation Hnatyshyn pour les arts visuels.

  • — 7 min. 7 sec.

    Clay Head gravite autour d’une histoire s’inspirant de la propre famille d’Eyres ou de personnes qu’elle a connues, racontée à l’aide d’éléments de narration afin de créer une œuvre de fiction qui en évoque l’aspect personnel. Le caractère faussement biographique de l’histoire est renforcé par le recours à une narratrice dont la présence contribue à un mécanisme qu’elle appelle « la voix étrangère ». Cet effet de distanciation, combiné à l'écart apparent entre les images et l’histoire racontée – une tête humaine caricaturale sculptée dans de la mousse et de l’argile jumelée au récit de la carrière d'acteur déchue d’un enfant – et à l’infusion d’humour noir, complique toute lecture de cette vidéo en tant que travail autobiographique.

    Erica Eyres vit et travaille à Glasgow, au Royaume-Uni. Par l’intermédiaire de la vidéo, du dessin, de la peinture et de la sculpture, le travail de Eyres utilise des images et des objets trouvés pour explorer la non-fiabilité de l’autobiographie et la vérité subjective de l’artiste. Son travail a été présenté dans le cadre d’expositions individuelles, notamment Do I Have to Love You? à OTP Copenhague (2023), Family Meal au Norberg Hall (Calgary, 2022), Another Dirty Room à Celine Gallery (Glasgow, 2022) et Too Shy to Party à Plaza Plaza (Londres, 2020). De plus, elle a participé à des expositions collectives, dont Secret Signals, en collaboration avec Keith Boadwee à OTP (Copenhague, 2021), Lunch, commissariée par Panel pour London’s Kitchen (Glasgow, 2021) et Private Behaviour à White Columns (New York, 2021).

  • — 14 min. 15 sec.

    Life of Life of a Craphead est entièrement composée de reconstitutions d’évènements réels de la vie d’Amy Lam et de Jon McCurley en tant qu’artistes et collaborateurs. Cet épisode met en scène Jon, qui tente d’emprunter du matériel d'un espace DIY afin de le prêter à un autre, tandis qu’Amy est frustrée par son travail dans un grand musée d’art. Tous les dialogues sont basés sur des conversations que Jon et Amy ont réellement eues dans ces situations. Life of Life of a Craphead a été initialement conçue comme une série télévisée, mais Life of a Craphead s’est dissout en 2020, et ce premier épisode sera donc le seul à être réalisé.

    Entre 2006 et 2020, Jon McCurley et Amy Lam ont collaboré pour former le duo Life of a Craphead. Ce nom vient de la blague d’ouverture du premier numéro comique en direct qu’ils ont joué ensemble en 2006. Parmi leurs projets, mentionnons la performance King Edward VII Equestrian Statue Floating Down the Don dans la rivière Don (2017), l’exposition The Life of a Craphead Fifty-Year Retrospective au Musée des beaux-arts de l’Ontario (2013), et Entertaining Every Second (2018-2019), une exposition qui a voyagé à travers le Canada. Life of a Craphead a également réalisé le long métrage Bugs (2016) puis a organisé et animé le spectacle de performance Doored entre 2012 et 2017.

  • — 6 min. 29 sec.

    La vidéo BILLED-A-BEAR ʕ ́•ᴥ•`ʔ, de Marissa Sean Cruz, traite des enjeux inhérents aux notions de vie et de valeur en réseau. En comparant les cryptoactifs au marché des Beanie Babies autrefois en plein essor, Cruz construit une allégorie pour donner un sens aux systèmes interconnectés intégrés au milieu art-industrie. La vidéo critique la popularité croissante des jetons non fongibles (connus sous le nom de JNF ou NFT en anglais) et leur valeur sur le marché de l’art en remixant jargon capitaliste, pratiques d’authentification et image de marque numérique pour examiner comment les conversations sur l’art numérique ont évolué depuis le plus récent boom des JNF.

    Artiste du multimédia numérique et de la performance vidéo, Marissa Sean Cruz est originaire de Kjipuktuk (également appelée Halifax). Elle s'intéresse aux questions liées au travail, au pouvoir et à la surveillance telles qu'elles sont perçues à travers les plateformes numériques et la culture populaire. Ses vidéos expérimentales comprennent des images trouvées, de la modélisation 3D, de la conception sonore et des performances costumées pour examiner les systèmes de valeurs avec une sensibilité critique. Ces œuvres satiriques visent à montrer un présent contemporain au rythme effréné et à imaginer des futurs possibles et libérateurs.

  • — 1 min. 54 sec.

    Dans le règne animal, la grossesse prend diverses formes. Il s’agit d’un miracle magnifique et divin, mais qu’en est-il des machines? Comment la naissance et l’éducation des enfants se transforment-elles lorsqu’il faut toute une équipe d’ingénieur·es pour créer une nouvelle vie? Les rayons emblématiques de la grande roue en rotation sont le fruit du travail de plusieurs mains. L’architecture est très importante pour moi et c’est pourquoi je suis si préoccupée par la grossesse et l’élevage. L’immortalité ne peut être atteinte que par la production de grandes roues dans toutes les métropoles.

    Maya Ben David (MBD) est un aéroplane anthropomorphe juif-iranien basé à Toronto. Elle travaille dans le domaine de la vidéo, de l'installation et de la performance où elle crée des mondes et des personnages qui servent son exploration continue de l'anthropomorphisme, du cosplay et des personnages performatifs. Ben David présente les histoires d'origine de ses personnages sous forme de vidéo et de performance, et les développe par le biais de sa présence en ligne. Ils habitent souvent des univers alternatifs empreints de nostalgie, tels que les mondes de Pokémon et de Spiderman. Enfin, Ben David incarne également un personnage appelé MBD, connu pour ses multiples querelles avec ses alter ego et le monde de l'art.

  • — 9 min. 30 sec.

    Dans The wellbeing of things: A 5km race, un récit énigmatique se déroule dans une modeste chambre de motel, où la caméra est dirigée vers un tapis roulant. Bourscheid apparait comme un pirate inconsolable devenu cow-boy, marchant péniblement sur le tapis roulant où il converse par télépathie avec son perroquet au sujet de ses angoisses. La conversation ne résout rien. L’« objet-costume » de Bourscheid devient un acteur à part entière, fonctionnant à la fois comme « sémaphores rituels et comme accessoires de théâtre ». Le pirate/cow-boy de l’artiste est à bien des égards ridicule et incongru dans le monde qui l’entoure; il ne parvient pas à assumer les rôles hautement genrés que ses personnages jouent de manière conventionnelle et, marchant sur place dans un hôtel défraîchi et stéréotypé, son identité et son rôle dans la vie semblent nébuleux, voire inutiles.

    S’appuyant sur la sculpture et la performance, la pratique de Mike Bourscheid comprend la fabrication d’appendices et de prothèses disgracieux ou ridicules afin de créer des personnages alternatifs pour aborder les questions de la masculinité, de l’arrogance européenne et du pouvoir patriarcal. Bourscheid a représenté le Luxembourg à la 57e Biennale de Venise en 2017 et ses œuvres ont récemment été diffusées à la Richmond Art Gallery (Canada), au Centre national de l’audiovisuel (Luxembourg) et à Heidelberger Kunstverein (Allemagne). Son travail est actuellement présenté dans le cadre d’une exposition solo au 1646 (La Haye, Pays-Bas), et il participera prochainement à des expositions au Gr_und (Berlin, Allemagne) et à la Galerie Hyperbien (Paris, France). Mike Bourscheid vit au Luxembourg et à Vancouver.

  • — 5 min. 38 sec.

    Dans Tell me everything you saw, and what you think it means from A View from Elsewhere, l’artiste est habillée comme l’un de ses anciens alter ego, Victoria Sin, se prélassant dans une pièce luxueuse meublée de satin et de fourrure. Dans ses vêtements et ses prothèses, elle adopte une pose séduisante tout en étant à la fois intimidante et provocatrice. Les mouvements du corps sont à peine perceptibles et l’image presque fixe fait référence à l’opulence des bordels européens du 19e siècle, au burlesque et aux nus allongés de l’époque des Beaux-Arts. La drag apparait de façon aussi théâtrale que l’immobilité et les prothèses visibles accentuent la présence du corps et sa représentation complexe de la féminité. La voix hors champ décrit l’image dans les moindres détails, guidant notre regard sur sa surface, nous implorant de réellement « la regarder ». Puisque la caméra et l’artiste demeurent parfaitement immobiles, c’est nous, le public, qui observons le sujet sous cet angle.

    Sin Wai Kin donne vie à la fantaisie à travers la narration par le biais de la performance, de l'image en mouvement, de l’écriture et de l’impression. S’appuyant sur les expériences d’une existence entre catégories binaires, son travail crée des mondes parallèles pour décrire des expériences vécues de désir, d’identification et de conscience. Son récent film A Dream of Wholeness in Parts (2021) a été sélectionné pour le Turner Prize 2022, a fait partie de l’exposition itinérante British Art Show 9 et a été présenté au 65e Festival du film de Londres du British Film Institute. Parmi ses expositions solo à venir, mentionnons le Berkeley Art Museum and Pacific Film Archive (Berkeley, 2023), Soft Opening (Londres, 2023), MUDAM (Luxembourg, 2024) et Accelerator (Stockholm, 2024). Son travail a récemment fait l’objet d’expositions individuelles dont Dreaming the End à la Fondazione Memmo (Rome, 2023), A Dream of Wholeness in Parts à Soft Opening (Londres, 2022) et It's Always You à la Blindspot Gallery (Hong Kong, 2021).


Chloë Lum et Yannick Desranleau travaillent dans les domaines de la vidéo, de la performance, de la sculpture, du son, du texte et de la photographie. Leur pratique collaborative est ancrée dans le théâtre et la chorégraphie, et examine les relations glissantes et complexes entre les corps et les objets inanimés. Ces sujets sont examinés sous l'angle de la maladie chronique. Ils sont basés à Tiohtiá:ke (Montréal) et travaillent en collaboration depuis 2000.

 
 



 

Dazibao remercie les artistes et Vidéographe pour leur généreuse collaboration ainsi que son comité consultatif pour son soutien.

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