Vidéastes japonaises et le féminisme des années 1970 à aujourd’hui
À travers leurs propres yeux, dans leur propre temps
Le 19 janvier 2023 à 19 h
Pour la saison 2023 de la série dv_vd, Vidéographe et Dazibao ont invité la talentueuse artiste et commissaire Yuka Sato à présenter un programme d’œuvres nous offrant une perspective rare sur le féminisme japonais depuis 1970.
PROGRAMME — 65 MINUTES
Mako Idemitsu [出光真子], Another Day of a Housewife [『主婦の一日』] (1977) — 10 min.
« J’ai réalisé cette vidéo à l’époque où j’en avais vraiment assez d’être femme au foyer. Alors que je répétais inlassablement des tâches ménagères routinières, j’ai remarqué qu’un autre “moi” m’observait. Qui suis-je? Qu’est-ce que vivre signifie exactement? Je voulais partager ces questions avec d’autres femmes. »
Née à Tokyo en 1940, Mako Idemitsu a grandi dans une famille traditionnelle typiquement patriarcale à prédominance masculine. Ce contexte est devenu plus tard le fondement même de ses œuvres, qui ont pour thème principal les problèmes d’oppression familiale envers les femmes.
Idemitsu a épousé Sam Francis, un peintre expressionniste abstrait. Alors qu’ils vivaient en Californie, elle a donné naissance à deux enfants et à partir de cet instant, sa vision du film s’est teintée du conflit identitaire qu’elle vivait en tant que mère.
En 1972, elle filme Womanhouse, une installation réalisée par Judy Chicago et d’autres femmes, afin de créer une imagerie tirée de ce travail. L’année suivante, elle retourne au Japon et commence à réaliser des œuvres vidéo et des films.
Après les années 1980, les vidéos d’Idemitsu, qui dépeignent des sujets féministes explicites, ont reçu un accueil favorable à l’étranger.
L’artiste a développé une technique unique appelée le « style Mako », où le monde intérieur d’une personne est projeté sur un petit moniteur installé à l’intérieur d’un plus grand écran.
Son dernier projet, l’installation Past Ahead, remonte à 2004.
Utako Koguchi [小口詩子], A Dandelion[Rosaceae]/Bara-ka tanpopo [『バラ科たんぽぽ』] (1990) — 9 min.
Lulu et Lala sont des sœurs jumelles, mais vivent séparées l’une de l’autre.
Alors que Lala regarde une vidéo de beaux garçons à minuit, elle voit par hasard son père y apparaitre. Elle est profondément choquée de voir ses hanches nues. Elle perd le contrôle de son corps et se transforme soudainement en garçon. Elle se rend chez Lulu pour lui montrer son pénis. Lala découvre alors que Lulu s’est elle-même transformée en garçon. Les deux sœurs se livrent une bataille féroce et vulgaire, transformant l’une après l’autre leur « chose » et se disputant leur taille. Puis, Lulu se soumet à Lala et redevient une fille. Elle montre son pénis coupé et décoré artistiquement à sa sœur. Mais celui-ci est infecté par le virus du sida, et cela anéantit les deux filles en train de faire l’amour. Pendant qu’elles baisent, elles repensent au temps où elles étaient heureuses, quand elles étaient encore innocentes et en bons termes l'une avec l'autre. Mais elles se sont lancées à corps perdu dans l’extase, en laissant s’évanouir leur conscience.
Née à Tokyo, Utako Koguchi s’est investie dans une multitude d’activités et de secteurs artistiques, dont le cinéma, la télévision, la publicité, les vidéoclips, les vidéos promotionnelles, la publicité de films étrangers, les festivals de films et l’écriture. Elle s’adonne aussi à l’enseignement de la danse et à la conception de sites Web.
À titre de cinéaste, elle a activement distribué ses œuvres en festivals et contribué à divers programmes de cinéma au Japon et à l’étranger, incluant des performances en direct. Elle s’est également engagée dans des activités de soutien aux jeunes cinéastes par l’entremise d’ateliers, de festivals de films et au sein d’établissements scolaires. Elle enseigne actuellement à la Musashino Art University, où elle forme des cinéastes, dont plusieurs ont remporté des prix dans le cadre de nombreuses compétitions. En 2014, elle a fondé le projet The Poetry of Finless Porpoises/sunameri no uta avec de jeunes cinéastes, des étudiants et des citoyens locaux dans la ville d’Ōmura à Nagasaki, où elle a produit neuf courts métrages qui ont été présentés dans divers festivals de cinéma. Elle a été directrice du Omura Amami International Student Film Festival en 2018 et vice-présidente du comité du 14e Asia International Youth Film Festival en 2021.
Kayo Takefuji [竹藤佳世], Bone and Flesh Cogitation [『骨肉思考』] (1997) — 26 min.
Ce film porte sur l’expérience de la grossesse et de l’accouchement vécue par la cinéaste.
« Nous célébrons la capacité des femmes à accoucher, mais s’il en est ainsi, ne devrions-nous pas considérer toute vie comme bénie? Suis-je bénie? »
La cinéaste détourne la question en prenant le point de vue de la caméra et en s’objectivant elle-même à travers des images par ultrasons du bébé juste avant la naissance, puis discute avec sa famille.
Tourner ces images au jour le jour est le processus par lequel la réalisatrice se confronte à la question de sa propre existence. L’œuvre représente en fait une tentative de devenir témoin de sa propre naissance.
Née à Tokyo, Kayo Takefuji est réalisatrice et productrice. Elle est diplômée de l’Université métropolitaine de Tokyo et de l’Image Forum Institute of Moving Image. Après avoir travaillé au sein d’une agence de publicité, elle a commencé à enseigner dans une école de cinéma et a travaillé dans une équipe de tournage sous la gouverne de Koji Wakamatsu et de Naomi Kawase. Elle est actuellement professeure adjointe à la Faculté des études médiatiques de la Josai International University.
Yuka Sato [佐藤優香], In the Room [『In the Room』] (2014) — 7 min.
La pièce ( « room ») peut symboliser la structure sociale de laquelle la protagoniste ne sait comment s’évader. Ses relations sont déchirées puis recousues.
Mais à la fin, les opprimés demeurent brisés.
Yuka Sato est cinéaste et artiste. Sa filmographie a jusqu’à présent englobé les thèmes de l’isolement social, du dialogue avec l’autre et de la vie des femmes. Elle a présenté ses films autant au Japon qu’à l’étranger.
Ces dernières années, elle s’est adonnée à la recherche et à l’expérimentation principalement au moyen de la photographie, en mettant l’accent sur des choses qui sont souvent perçues comme apparemment inutiles ou potentiellement ambigües.
Elle travaille également à titre de commissaire indépendante et a été directrice d’événements tels que le Place M Film Festival 2019 et 2021.
Kaori Oda [小田香], Karaoke Cafe BOSA [『カラオケ喫茶ボサ』] (2022) — 13 min.
Karaoke Cafe BOSA est situé dans la banlieue d’Osaka, au Japon. C’est un endroit où les voisins âgés se réunissent pour discuter et chanter. Cafe BOSA laisse des traces en ces jours troublés, comme une capsule temporelle de l’Anthropocène.
Née à Osaka, au Japon, en 1987, Kaori Oda est cinéaste et artiste. Par l'image et le son, ses œuvres explorent la mémoire des êtres humains.
Kaori Oda a vécu à Sarajevo pendant trois ans à partir de 2013. En 2016, elle a obtenu un doctorat en arts libéraux, profil cinéma sous la direction de Bela Tarr. Son premier long métrage, ARAGANE (2015), tourné dans une mine de charbon bosniaque, a été présenté en première mondiale au Yamagata International Film Festival et a reçu une mention spéciale. Le film a été projeté dans divers festivals tels que Doclisboa, Mar del Plata International Film Festival, Sarajevo Film Festival, Taiwan International Documentary Festival, entre autres.
Kaori Oda a été lauréate de bourses d'études à l'étranger pour jeunes artistes de la Pola Art Foundation.
Son deuxième long métrage, Toward A Common Tenderness (2017), une recherche cinématographique poétique, a été présenté en première mondiale à DOK Leipzig et son plus récent film, TS’ONOT/Cenote (2019), tourné dans des grottes sous-marines du Yucatan au Mexique, a été présenté en grande première dans la catégorie Bright Future au Festival international du film de Rotterdam, en 2020.
Kaori Oda a reçu le prix inaugural Nagisa Oshima en 2020 et le prix de la révélation de l’année du Ministère de l’Éducation pour les beaux-arts en 2021.
Dazibao remercie les artistes et Vidéographe de leur généreuse collaboration ainsi que son comité consultatif pour son soutien.
Dazibao reçoit l’appui financier du Conseil des arts et des lettres du Québec, du Conseil des arts du Canada, du Conseil des arts de Montréal, du Ministère de la Culture et des Communications et de la Ville de Montréal.
Dazibao reconnait être situé en territoire non-cédé de la nation Kanien'kehá: ka et que Tiohtià:ke / Montréal est historiquement connu comme un lieu de rassemblement pour de nombreuses Premières Nations et, aujourd'hui, une population autochtone diversifiée ainsi que d’autres peuples.