Futur antérieur. Missing What Will Be Missed
Marte Aas, Zheng Bo, Maja Ray Borg, Katya Buchatska, Enar de Dios Rodríguez, Duke & Battersby, Masako Miyazaki, OK Pedersen, Karine Savard
Du 18 avril au 15 juin 2024
Vernissage le 18 avril à 18 h
— Évènement Facebook
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La sensation est déjà prégnante. Dans un futur proche, ce que nous aurons manqué, nous manquera : ce que nous aurons négligé, malmené, se manifestera dans le désir de retrouver ce qui appartient désormais au passé. L'anticipation de ce futur, ou la pulsion qui nous y entraine, inscrit le passé dans le présent, insufflant déjà au présent sa propre nostalgie. Une nostalgie qui, tant à l'égard du passé que du futur, implique de projeter une image construite sur une autre. Une image nourrie par l’espoir romantique de retrouver un temps révolu.
Dans Futur antérieur. Missing What Will Be Missed, les œuvres de dix artistes du Québec, du Canada et de l'international sont réunies pour aborder les notions de futurité face à la crise écologique. Ou, peut-être, plus précisément, face à l’évidence que tout est interconnecté, que nous sommes paradoxalement hantés par des futurs présumément voués à l’échec, tout autant que par notre passé.
La présente exposition se distingue de nombreuses autres expositions développées autour du sujet, en explorant comment les artistes choisissent de représenter ces idées sans forcément aller vers une esthétisation, soit de la collecte d’informations, soit de la documentation ou de l’appropriation du travail scientifique. Des incidences où les concepts de représentation et de romantisation se confondent ou, inversement, se confrontent, sont examinées. Sont ainsi soulevées, tendues entre réalisme et idéalisme, des questions sur comment se projeter dans le futur quand déjà le présent — et évidemment le passé — nous dépassent?
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L'œuvre dépeint un avenir où il n'y a plus d'humains. Au milieu d'un paysage de ruines industrielles, une chienne solitaire erre en contemplant le monde d'avant, énumérant prosaïquement ce qui lui manque et ce qui ne lui manque pas.
Comment un animal domestiqué, autrefois soumis et aujourd'hui en liberté, jugerait-il le règne et l'effondrement de l'humanité ? Peut-être de manière accusatrice ? Ou peut-être avec désolation ? Nostalgiques mais non romantiques, les observations banales de la chienne sur la vie humaine sont étonnamment détachées : « le meilleur ami » de l'animal passe du statut de protagoniste à celui de personnage secondaire. Suggérant que l'Anthropocène a été une phase relativement insignifiante de l'histoire de la planète, et encourageant un changement de perspective quant à la hiérarchie de toutes choses — vivantes ou non. Un rappel incisif aussi que c’est souvent dans l’absence que l’on réalise la place qu’occupent les êtres et les choses, selon qu’ils ou elles nous manquent, ou pas.
Marte Aas est une photographe et réalisatrice basée à Oslo. Ses intérêts se déploient à l'intersection de la culture de l'image contemporaine, de l'histoire, de la technologie et du paysage. Son travail tente d'aborder les structures sous-jacentes et les gestes qui forment les récits politiques et idéologiques. Aas a étudié à l'école de photographie de l'Université de Göteborg et à l'École nationale des arts d'Oslo. Ses œuvres ont été exposées sur la scène internationale au Centre of Photography (Copenhague), à l'EMAF European Media Art Festival, au Seoul International New Media Festival, à l'Anthology Film Archives (New York), à la Scandinavia House (New York) et au National Museum (Oslo). Aas a également publié plusieurs livres et catalogues, dont Marte Aas — Photography and Film (National Museum, 2010) et Ducks in a Row (Multipress, 2023). Elle est également l'une des membres fondatrices de la maison d'édition Multipress.
Avec l'aimable autorisation de Filmform.
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L’œuvre dresse un portrait de Grumsin, une ancienne forêt de hêtres située à Brandebourg en Allemagne et inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO. À peine visible parmi les arbres, l'artiste s'entretient avec deux scientifiques, Roosa Laitinen, qui étudie l'adaptation des plantes, et Matthias Rillig, spécialisé dans la biodiversité et l'écologie des sols. Contemplant la façon dont l'adaptation et la symbiose dont fait preuve la vie végétale peuvent être considérées comme des comportements politiques infiniment plus complexes et durables que ceux des humains, l'artiste spécule que, face aux crises climatiques, les humains pourraient se tourner vers l'intelligence des plantes. Alors que la science repose sur l'isolement de facteurs pour en extrapoler la causalité, et que les idéaux humains en matière d'innovation favorisent les effets à court terme, les plantes développent des mutualités et des systèmes sur des périodes d'une longueur insondable, tout en intégrant nécessairement les conditions qui les entourent.
La conversation est captée à distance, jouant sur la bien petite taille des deux humains face à la grandeur de la forêt. Tous deux se promènent dans le cadre avec une lenteur qui semble synchronisée au rythme de la vie végétale. Entre les conversations, la caméra zoome sur les plantes de la forêt, capturant les tensions par un jeu de perspective et d'accumulation d'intensités. D'une certaine manière, ces images dramatisent le mouvement des plantes en un effet anthropomorphique, ressenties pourtant de façon plus empathiques que voyeuristes, plus égalitaires qu'extractives. L'approche expérimentale de l'artiste est également une extension de son exercice de pensée. Même si le comportement des plantes n'est pas nécessairement politique, le questionnement rhizomatique de Zheng Bo aborde des ontologies considérées comme absolument fondamentales. Même la survie, impulsion par laquelle on comprend l'évolution des plantes et de l'humain, est remise en question. Et si la vie était animée par quelque chose d'entièrement Autre ?
Zheng Bo, artiste ecoqueer d’héritage Bai, vit dans un village au sud de l'ile de Lantau, à Hong Kong. Par le dessin, la danse et le cinéma, Zheng cultive des liens, à la fois esthétiques, érotiques et politiques, avec les plantes. Suivant les dogmes de la sagesse taoïste l'artiste aborde la danse avec des figures humaines et non-humaines pour créer des jardins de mauvaises herbes, des films biophiles et des rassemblements écosocialistes. Sa pratique écologique contribue à l'émergence d'une indigénéité planétaire. L’artiste a étudié avec Douglas Crimp et a obtenu son doctorat en études visuelles et culturelles de l'Université de Rochester. Zheng Bo a participé à plusieurs biennales dont la Biennale de Sydney, la Biennale de Liverpool, la Triennale de Yokohama et la 59e Biennale internationale de Venise. Ses expositions récentes comprennent des solos au Gropius Bau (Berlin) et au Göteborgs Konsthall ; des commandes publiques à la Somerset House (Londres), au Rockbund Art Museum (Shanghai) et au Jameel Arts Centre (Dubaï). Ses œuvres font partie des collections de la Tate (Londres), de la Power Station of Art (Shanghai), du Hong Kong Museum of Art, du Singapore Art Museum et du Hammer Museum (Los Angeles).
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Au moment où elle commençait à connaitre un certain succès professionnel, l'actrice italienne Nadya Cazan a disparu de la scène publique. Les offres de films affluaient, mais elle ne pouvait supporter l’idée de participer à un système qui ferait d'elle un produit. Ottica Zero de Maja Ray Borg suit Nadya dans sa quête d'un mode de vie alternatif qui la rapprocherait de l'humanité, et d'elle-même. Dans cette quête, elle rencontre un futuriste et inventeur de 91 ans, Jacques Fresco. Nadya et Fresco critiquent principalement le système monétaire et la façon dont il empêche les gens d'avancer et de partager leurs idées. Alors que la technologie se dirige vers le futur, les idées sociales stagnent.
Leur histoire suscite une intrigue autour de ce que peut signifier penser en dehors de la logique dictée par la société et l'histoire : le test de caractère et le saut intellectuel nécessaires pour envisager un futur complètement différent du présent. Si le film semble fictif, il ne l'est pas. Imprégnées d'une esthétique visuelle nostalgique, les archives rétrofuturistes et les images Super 8 dépeignent leurs points de vue idéalistes, bien que contemporains, comme issus d'un autre temps. Leurs idées semblent ainsi occuper la mince tranche de réalité qui, paradoxalement, ne peut exister que dans des constructions fictives ou utopiques.
Originaire de Norrköping (Suède), l'artiste Maja Ray Borg travaille également en cinéma à la réalisation, à la direction de la photographie et au montage. Depuis 2008, Borg vit entre le Royaume-Uni et la Suède. Son travail récent traite de questions contemporaines urgentes liées à la crise environnementale et à la récession économique mondiale, explorant les options qui s'offrent à nous dans ce paysage dystopique. Son premier long métrage Future My Love, a été présenté pour la première fois à l’Edmonton International Film Festival en 2012. En 2010, Filmform lui décerne un prix honorifique pour son travail remarquable et en 2013, son court métrage expérimental We The Others fait partie du top 10 des documentaires novateurs du magazine Dazed and Confused. Produisant actuellement des œuvres expérimentales et développant son prochain documentaire, Borg crée des films continuant de remettre en question les conventions sociales et cinématographiques.
Avec l'aimable autorisation de Filmform.
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Sous la forme d’un essai vidéo, l’artiste réfléchit à la manière dont la terre se souvient de la tragédie et de la violence, en évoquant son pays d'origine, l'Ukraine. Son analyse suit une caméra qui examine un paysage dévasté, perforé de cratères causés par les bombardements, puis se déplace dans un chaos dense de buissons avant d'émerger sur un rendu en 3D de terres agricoles et d'une forêt — un futur possible? Se demandant quels types de mémoire et d'oubli pourraient le mieux servir le futur, elle propose qu'un arbre soit planté dans chaque cratère pour servir de mémorial vivant.
Quand on pense au lien entre la guerre et la terre, celle-ci est généralement considérée en termes géopolitiques plutôt qu'en termes écologiques, et pourtant les écosystèmes, les sols et les récoltes sont tous touchés. À son tour, l'écologie politique a un impact sur l'histoire. Si, comme le suggère l'artiste, il n'y a pas de langage pour l'atrocité et que les mémoriaux ne parviennent pas à protéger contre la répétition de la violence, alors un jardin alimentaire pourrait au moins servir comme cette chose concrète qu'on peut perdre.
Katya Buchatska vit et travaille à Kiev (Ukraine), sa ville natale. Buchatska emploie une variété de médiums, tels que la peinture, l’installation, la sculpture, la photographie et la vidéo. S'intéressant à la notion de temps et étudiant la coexistence de formes de vie humaines et non humaines, Buchatska déconstruit les sujets et les formes, donnant aux objets une nouvelle signification. Ses présentations souvent ludiques remettent en question la perception de la réalité par le public. Elle a étudié les techniques graphiques et l'illustration à l'Institute of NTUU KPI (Kiev), les beaux-arts à l'École nationale supérieure d'art de Dijon, et la peinture monumentale avec le professeur Mykola Storozhenko à l'Académie nationale des beaux-arts et d'architecture de Kiev. En 2023, Buchatska a présenté des expositions individuelles à la cathédrale de Liverpool et à la galerie hunt kastner (Prague), et a participé à des expositions collectives à travers l’Europe. Elle collabore aussi avec le groupe de préservation de l'héritage de l'artiste naïf houtsoule Paraska Plytka-Horytsvit. Depuis 2016, elle participe à un atelier inclusif et en 2024, elle présentera Best Wishes au pavillon ukrainien de la 60e Biennale internationale de Venise avec 15 artistes ayant une neurodivergence.
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À travers six chapitres — ou six appels téléphoniques — une personne ambigüe retrace l'histoire, récitant des exemples de disparition planifiée de terres, de peuples et d'espèces. On ignore si cette voix est issue du futur ou si elle nous est contemporaine. Un flux de matériaux visuels changeants montre les infrastructures sur lesquelles les images de la terre sont greffées. En décomposant les images en catégories, de la même manière que les terres sont réduites à des cartographies non incarnées, les différentes formes de séparation et d'élimination que génèrent le biocapitalisme et le capitalisme de surveillance deviennent évidentes. Dans un régime où « pour que la culture commence, il faut que la nature finisse », la caméra ne capture pas les punaises noircies camouflées dans la terre carbonisée. Pas plus qu'une vue aérienne de l'Amazonie, par exemple, ne montre les personnes qui vivaient et travaillaient autrefois sur cette terre.
Enar de Dios Rodríguez, vivant et travaillant entre l'Autriche et l'Espagne, est une artiste visuelle dont les projets fondés sur la recherche portent sur la création d'espace et ses conséquences sociopolitiques et environnementales. Sa pratique utilise le processus de sélection du matériel visuel et textuel existant comme point de départ pour explorer le poétique et son applicabilité politique. Elle détient un baccalauréat en traduction de l'Université de Vigo (Espagne) et a ensuite étudié la photographie à l'Université d’arts appliqués de Vienne, avant d'obtenir une maitrise en beaux-arts du San Francisco Art Institute. Son travail a été exposé internationalement dans des lieux tels que le Contemporary Jewish Museum (San Francisco), Project Space (Melbourne), Kunsthalle Wien (Vienne) et Condeduque (Madrid). Elle a reçu de nombreuses récompenses, notamment les bourses Pixel, Bytes + Film et DKV Seguros-Álvarez Margaride. Elle est l’une des fondatrices du projet science-art SEEC Photography, est membre du Golden Pixel Cooperative ainsi que Junior Fellow à l'ifk International Research Center for Cultural Studies (2023-2024).
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Avec une approche futuriste, les artistes imaginent des scientifiques dans l'adolescence qui découvrent comment récolter de l'énergie de manière écologique à partir d'émotions — un processus supposément optimisé par l'exposition à n’importe quoi de mignon. Leur découverte suscite l'hostilité d'une personne opposante qui souhaite invalider la prémisse, niant la possibilité d'une science où « la consommation et l'extraction sont liées par la délectation ».
Activant une expérience endocrinienne des possibilités qu'ils souhaitent partager, les artistes cherchent à stimuler l’émotion du public par le biais d'une série d'images « irrésistibles » de chatons associées à une musique entrainante. Le time-lapse, un traitement des images particulièrement aptes à stimuler l’émotion, est utilisé pour traduire une sorte de cycle de vie composé de natures mortes. Des brindilles et des fleurs gelées, des parties de corps d'animaux et de curieuses limaces qui poussent, tour à tour, se fanent, se décomposent et sont toutes liées les unes aux autres, comme dans de réels écosystèmes. Ici, la fonte des glaces fait allusion à la disparition pas si lointaine des calottes glaciaires, mettant en tension des représentations séduisantes de la grandeur de la nature et l'émergence de l'écoanxiété. De même, l'ensemble de l'œuvre, par la dualité de son langage visuel, remet en question les liens présumés entre moralité et nature.
Vivant à Syracuse, les artistes Emily Vey Duke et Cooper Battersby collaborent depuis 1994. Travaillant principalement la vidéo, les artistes construisent des récits qui s’intéressent aux implications philosophiques et politiques de l'amour et de l'échec, portant souvent sur la relation entre l’être humain et le monde naturel. Duke & Battersby ont exposé, projeté et diffusé leur travail à travers le monde, notamment au Whitney Museum, The Power Plant, The New York Film Festival, The Toronto International Film Festival, The International Film Festival of Rotterdam et au Musée d’art contemporain de Montréal. En 2012, le Museum of Contemporary Canadian Art et Pleasure Dome (Toronto) publiait The Beauty is Relentless: a Book about the Short Movies of Emily Vey Duke and Cooper Battersby, un ouvrage réunissant des essais de onze auteurs et auteures. En 2010, le duo a été nominé pour le Prix Sobey pour les arts du Canada et a été récompensé par des festivals à travers le monde. Leurs œuvres figurent dans les bibliothèques de Harvard et de Princeton.
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Dans une série de photographies réalisées à Tōno, une ville rurale du nord du Japon, plusieurs fois visitée par l’artiste, se construit une histoire inspirée de l’une des nombreuses légendes de la ville : Futtachi, un mystérieux personnage mi-homme, mi-singe. Dans son récit l'artiste réinterprète la légende en associant la disparition d'un singe bien réel nommé Muku à celle d’un ami, ici nommé Y. Alors que Muku est présumé avoir échoué sur le continent après qu'un typhon ait creusé un passage de sable, Y aurait disparu dans la forêt de Tōno après avoir subi des menaces de la part de l'entreprise pour laquelle il travaillait. Le récit tisse ainsi des liens étroits entre les thèmes du pouvoir et de la hiérarchie, et à comment ces sujets délicats sont liés au deuil, au travail et à la terre.
Racontée du point de vue de Muku, d'une pierre et d'une tornade, l'histoire n'adhère pas à une logique ou à une linéarité centrée sur l’être humain. De nombreux hiatus font placent à plusieurs interprétations, ce qu’accentue la sélection abrégée de la série présentée ici. Néanmoins, ces lacunes et leur part d’inconnu évoquent les affects qui les rassemblent et qui, ultimement, se rapprochent de nos sentiments à l’égard de la situation climatique actuelle : une colère, parfois récupérée par un espoir fugace, et le deuil, présent ou anticipé.
Originaire de Tokyo, Masako Miyazaki vit et travaille à Montréal. Par le biais de la photographie, elle examine notre position en tant qu'êtres humains et notre place dans la nature. L’artiste est titulaire d'une maitrise en photographie de l'Université Concordia et d'un diplôme en photographie du Tokyo Visual Arts Academy. Depuis 2011, Miyazaki a présenté plusieurs expositions individuelles au Japon et au Québec et a également participé à des expositions collectives, notamment à la Fonderie Darling (Montréal), au Nikkei National Museum (Burnaby, C-B) et au Transcultural Exchange (Boston). Ses œuvres ont intégré des collections telles qu’à l'université Toyo Gakuen (Tokyo) et au Centre canadien d'architecture (Montréal). Elle a également publié des monographies : The Other Side (Tosei Publishing, 2011), A Tree (L' Atelier de Sawara, 2022) et A piece of Stone (L'Atelier de Sawara, 2023).
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Dans cette fiction documentaire, les frontières nationales actuelles se sont effondrées pour faire place à de vastes complexes résidentiels privatisés. Illustrant parfaitement les avancées du système capitaliste sur la financiarisation et l'incarcération, les gens résidant au « Condo World » vivent dans un soi-disant rêve où quitter les lieux est illégal et punissable. Ce « réel » extérieur, insaisissable, est inhabitable — en raison, sans doute, de la dévastation écologique — et curieusement impossible à voir. L'incarcération et le voyage de villégiature impliquent ici la même évasion virtuelle dans un monde où toutes les initiatives sont restreintes. À l'occasion de ces vacances virtuelles, la narratrice perd sa sœur — ou, serait-ce la sœur qui se perd elle-même.
En associant solitude et inaction, Pedersen sous-entend une certaine incapacité à voir, suggérant que « même dans les rêves, il est plus facile de décrire ce que nous avons vu que ce que nous avons fait ». Un flot de clips télévisuels, de vidéos captées sur un téléphone et de films Super 8 conjuguent les temporalités, et en disent à la fois beaucoup et encore trop peu, comme dans trop peu, trop tard.
Née à Chicago, OK Pedersen est une artiste et cinéaste américaine de descendance irakienne, vivant actuellement à Montréal. Ses recherches s'articulent autour de la création d'images — la boucle sans fin entre voir, se souvenir et savoir, et la fonction des images à travers ce cycle. Elle a complété sa maitrise en photographie à l'Université Concordia en 2022, où elle a aussi enseigné. Son premier film, Cloud Gate 2, a fait partie de la sélection officielle des Rencontres internationales du documentaire de Montréal en 2023, et elle a reçu le prix Jeune tête d'affiche de Dazibao en 2022. Pedersen est également membre du collectif d'artistes Groupe C, qui est moins un organisme de production d'œuvres qu'une expérience pédagogique guidée par une méthodologie de pique-nique.
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Dans les années 1970, des militantes féministes ont attiré l'attention sur la non-rémunération du travail ménager et des tâches liées au soin, dénonçant le fait que ces activités, essentiellement genrées, méritaient d'être valorisées et reconnues pour leur contribution indispensable dans la santé et l'éducation de la société et, par extension, dans l'économie. Aujourd'hui encore, même lorsque rémunéré, ce type de travail implique souvent des conditions déplorables, notamment des salaires bas et des horaires excessivement longs.
Dans Sauvegarde, Savard emprunte aux moyens utilisés lors de manifestations sociales pour réfléchir à des enjeux comparables, attirant l'attention sur le labeur numérique d'aujourd'hui, qui est, à des degrés similaires, domestique, invisible, sous-considéré et non rémunéré. Par exemple, des tâches financées par la collectivité, parfois artificiellement appelées intelligence artificielle, impliquent l'exécution d'une sorte de parrainage ou de nettoyage des environnements numériques. Même de simples clics ou téléchargements sur n'importe quelle plateforme Internet sont monétisés mais non payés, sous prétexte que ces tâches sont volontaires, récréatives ou d'expression personnelle et sociale.
Sauvegarde se propose de réfléchir à ce qui s’est perdu entre l’optimisme des débuts du web, qui promettait des espaces gérés démocratiquement autour de communautés de partage, et la réalité actuelle de monopole et de contrôle par de grandes entreprises. La matérialité de l’œuvre, que traduisent les différentes strates de papier encollé, est aussi un rappel qu’au-delà de son apparente dématérialisation, l’activité numérique génère une pollution bien réelle, à la fois mentale et écologique, en altérant certaines de nos facultés humaines les plus précieuses et en participant de manière sourde à la crise climatique.
Artiste établie à Montréal, Karine Savard conçoit des affiches de films depuis plus de quinze ans. En tant que chercheuse, elle développe une réflexion sur des enjeux liés à la transformation du travail, notamment sur son propre statut de travailleuse autonome dans l’industrie culturelle, en détournant par exemple des dispositifs de présentation publicitaire à des fins artistiques. Son travail se situe à la rencontre de l’image, du texte et de l’installation. Savard a complété ses études en art du design à l’Université Concordia, ainsi qu’en arts visuels et médiatiques à l’Université du Québec à Montréal. Son travail a été présenté à la Galerie Leonard & Bina Ellen, à Diagonale, au Musée d’art de Joliette et à la Galerie R3. Son travail d’affichiste a été récompensé à de nombreuses occasions aussi bien au Canada qu’à l’international et a intégré récemment les collections de la Kunstbibliothek de Berlin. Elle a aussi été récipiendaire de plusieurs bourses du Conseil des arts du Canada, du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, du Fonds de recherche du Québec – Société et culture et du Conseil des arts et des lettres du Québec.
Karine Savard remercie le Conseil des arts du Canada pour son soutien.
Médiation
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Masako Miyazaki, OK Pedersen et Karine Savard
Le 18 mai 2024 de 14 h à 16 h
Une exposition préparée pour Dazibao par France Choinière, avec la collaboration d'Emma-Kate Guimond et la participation de Saskia Morgan. Dazibao remercie les artistes et Filmform pour leur généreuse collaboration ainsi que son comité consultatif pour son soutien.
Dazibao reçoit l’appui financier du Conseil des arts et des lettres du Québec, du Conseil des arts du Canada, du Conseil des arts de Montréal, du ministère de la Culture et des Communications et de la Ville de Montréal.
Dazibao reconnait être situé sur le territoire non cédé de la nation Kanien'kehá : ka et que Tiohtiá:ke / Montréal est historiquement connu comme un lieu de rassemblement pour de nombreuses Premières Nations, réunissant aujourd'hui une population diversifiée d'autochtones et d'autres peuples. Guidé par une éthique fondée sur le respect, l'écoute et la sensibilisation, Dazibao s'engage à poursuivre sa réflexion sur les défis systémiques et profondément enracinés liés à l'accessibilité et à l'inclusion dans les arts et au-delà, et s'efforce d'appliquer ces réflexions à tous les aspects de ses activités et de sa gouvernance.