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salle de projection
 

Future Perfect

Du 4 décembre 2014 au 7 février 2015
Vernissage le 6 décembre à 19 h

 

Commissaire : Boshko Bosković

Ana Bilankov; Gorana Bosnić, Sandra Dukić & Gordana Macanović; Mladen Miljanović; Nita Deda & Yll Citaku; Renata Poljak et Kamer Şimşek

Le parfait du futur

Les Balkans sont une construction intellectuelle, elle-même chargée de significations idéologiques polyvalentes; depuis Byzance, sa position « d’entre-deux » a jeté dans la perplexité l’Occident, dont le point de vue sur la région est souvent singulier, externe et statique. Le démantèlement de la Yougoslavie dans les années 1990 a donné lieu à un nouvel objet de fascination balkanique : le conflit ethnique et le nationalisme. Dans la foulée, de nombreuses expositions internationales ont perpétué certains stéréotypes du « Far East ». Une bonne part de ce qu’on attribue à cette région émane d’un imaginaire populaire occidental qui ignore les spécificités des histoires et des cultures locales et qui en réduit la description au langage du sang et du miel. Dans son important ouvrage intitulé Imaginary Balkans, Maria Todorova écrit ce qui suit : « La difficulté de s’identifier à la région des Balkans est un sous-groupe d’un problème plus vaste d’identification avec les nations périphériques.(1)»

Future Perfect [Le parfait du futur] réunit des courts métrages et des vidéos reproduisant consciemment ou inconsciemment une forme de nostalgie, archétype qui, grammaticalement parlant, ne s’exprime pas seulement au passé composé, mais qui s’immisce dans le futur. La géographie prédétermine, cadre et inspire le sujet de chacun des artistes, produisant un récit dans lequel le passé est lové dans la texture de chaque image en mouvement. Les six œuvres renforcent la manière dont notre esprit fait l’expérience du temps, souvent dans deux sites à la fois : dans l’ici et le maintenant, mais aussi dans ce temps-là. Chacune contient sa part d’évocation mélancolique, surtout pour ce qui est sur le point de s’interrompre ou n’existe plus, faisant de ces œuvres en quelque sorte des observateurs de réalités constamment en évolution.

— Boshko Bosković

(1) Maria Todorova, Imagining the Balkans, Londres, Oxford University Press, 2009,
p. 9.


PROGRAMME 

(69 minutes)

Dans sa vidéo documentaire expérimentale In War and Revolution (2011, 15 min.), Ana Bilankov étudie l’amnésie personnelle et collective liée aux changements politiques du début des années 1990 en Croatie. Bilankov emploie une structure de montage en parallèle. D’une part, tout en feuilletant un livre intitulé The School in War and Revolution, sa grand-mère de 97 ans tente de se rappeler sa jeunesse quand elle était enseignante, évoquant en particulier le mouvement antifasciste durant la Seconde Guerre mondiale. D’autre part, l’artiste interviewe des intellectuels croates au sujet des livres qui ont été retirés des librairies et des bibliothèques par le nouveau gouvernement croate, au début des années 1990, parce que jugés idéologiquement inappropriés.

La vidéo Staging Actors/Staging Beliefs (2011, 12 min.) de Renata Poljak gravite autour du personnage de Boško Buha, une icône de l’idéologie communiste à l’époque de la Yougoslavie socialiste. Au moyen d’entrevues avec Ivan Kojunždić, l’acteur qui a joué Boško Buha enfant, Poljak explore comment les croyances sont brisées quand on perd les héros qui ont interprété le monde qu’on a connu. Pour examiner les transformations et les mutations des programmes politiques, sociaux et culturels de la Yougoslavie depuis la désintégration du pays au début des années 1990, Poljak se penche sur la vie actuelle d’acteurs ayant joué des rôles principaux dans des films populaires d’autrefois. Elle pose un regard sur la manière dont les idéologies et les programmes politiques se forment et se dissolvent en même temps que sur les mécanismes de construction et de documentation de l’histoire et de la mémoire qui, eux aussi, se transforment.

Mladen Miljanović, avec Do You Intend to Lie To Me? [Da li namjeravate] (2011, 14 min.), vise à révéler la vérité sur la brutalité de la vie, sur l’art et sur la responsabilité dans la Bosnie d’après-guerre. Cet hommage à la vie de son professeur en art et mentor Veso Sovilj donne l’image d’un milieu social stagnant. Sovilj, le principal protagoniste, participe au film dont il est le sujet mais sans le savoir, pendant que Miljanović met en scène et entremêle différents segments de la société de façon à créer un grand happening, devenant ainsi lui-même un animateur de la réalité. Pour marquer le 30e anniversaire de la carrière de Sovilj, Miljanović décide de lui faire un cadeau. Endossant la mission de donner forme à un concept inventé par son mentor mais jamais matérialisé, Miljanović réalise un film dans lequel son professeur passe un test polygraphique sur la véracité de l’art et de la vie.

Boogeyman On Call (2012, 14 min.) montre trois jeunes femmes, soit Gorana Bosnić, Sandra Dukić et Gordana Macanović, qui entreprennent un voyage dans un village de la Bosnie occidentale où leur pellicule saisit le phénomène du croque mitaine (ou bonhomme Sept-Heures). L’histoire commence sous la forme d’un reportage d’investigation proposant, entre autres, des interviews avec la police qui cherche à traquer la créature mythique. On réalise toutefois rapidement que le récit déplace son centre de gravité pour examiner plutôt les peurs personnelles, sociales et politiques de cette communauté précise.

Le court métrage Our Bride [Nusja Jonë] (2011, 3 min. 30 sec.) de Nita Deda et d’Yll Citaku documente le rite de mariage coloré et complexe dans la communauté des Torbeshi de Donje Ljubinje, un petit village situé sur le mont Shara, au Kosovo, où les futures mariées se font décorer méticuleusement et abondamment le visage, pendant que leurs corps se couvrent de couches de vêtements et d’accessoires traditionnels faits à la main. Important dans la vie de chaque femme, ce processus a également des connotations spirituelles. Le costume et le maquillage de la future mariée lui donnent l’apparence d’une poupée vivante, la protégeant du mauvais œil et décourageant commérage et spéculation. Le film saisit la polarité tradition/modernité dans le contexte précis d’une toute petite population qui dispose d’un ensemble d’us et de coutumes en voie de disparition au début du 21e siècle. À l’heure du virtuel et du numérique, il ne reste dans le village de Donje Ljubinje qu’une seule femme capable de parer les futures mariées et elle n’a personne à qui transmettre son art et son savoir-faire.

Night Ride [Gece Gezisi] (2013, 8 min. 30 sec.) de Kamer Şimşek aborde la réminiscence et la solitude. Un homme âgé prend un taxi pour parcourir les rues de sa propre ville. Pendant ce déplacement, il réfléchit à son existence, partageant avec le chauffeur les moments remarquables et déchirants de sa vie. À la fin de la course, les deux hommes reviennent aux souvenirs des sites qui leur sont chers dans cette ville qui les a formés en tant que personnes.


Ana Bilankov (Zagreb, Croatie, 1968) a étudié l’histoire de l’art de même que la langue et la littérature allemande aux universités de Zagreb et de Mayence (Allemagne). Elle détient une maitrise de l’Université des arts de Berlin. Son travail a été présenté dans plusieurs expositions individuelles et collectives et dans le cadre d’évènements parmi lesquels la Biennale de Moscou, le Festival du Documentaire et de la Vidéo de Kassel et CologneOFF IX.

Boshko Bosković (Belgrade, Serbie, 1976) est directeur des programmes à Residency Unlimited (New York). Par son travail de commissaire, il contribue à faire connaitre des réalités et des liens multiculturels inattendus. Il est le commissaire de nombreuses expositions parmi lesquelles Monument-Movement à Muse, Center for Photography and the Moving Image (New York), Not So Distant Memory au Delaware Center for the Contemporary Arts et au National Center for Contemporary Art (Saint-Pétersbourg), Power of the Brand au Contemporary Art Museum (Banja Luka). En 2012, il organisait en collaboration avec le collectif La Fabrique d’expositions le programme vidéo Vidéozones dans le cadre de Montréal/Brooklyn, lequel a été présenté à la Galerie de l’UQÀM et à Interstate Projects (New York). Il a publié des essais sur plusieurs des expositions susmentionnées.

Gorana Bosnić (Banja Luka, Bosnie-Herzégovine, 1976) a étudié à l’Académie des Arts de l’Université de Banja Luka. Elle a participé à plusieurs expositions en Bosnie-Herzégovine, notamment à la galerie Bansksi Dvor (Banja Luka), au Musée d’art contemporain de Banja Luka et à la galerie Mestna (Trebinje).

Sandra Dukić (Rijeka, Croatie, 1980) est diplômée de l’Académie des Arts de l’Université de Banja Luka. Son travail a été présenté sur la scène internationale, notamment au Center for Book Arts (New York), au Centre d’art contemporain de Saint-Pétersbourg et aux musées d’art contemporain de Banja Luka et de Voïvvodine (Serbie). En 2011 elle recevait le prestigieux prix ZVONO.

Yll Citaku (Pristina, Kosovo, 1979) a obtenu un diplôme en réalisation de l’Académie des Arts de l’Université de Pristina. Ses films ont été présentés dans le cadre de plusieurs festivals parmi lesquels DokuFest, Festival international du documentaire et du court métrage (Kosovo), le Festival du film de Tabor (Croatie) et le Festival international du film de Thessalonique (Grèce). Son film Should I Stay or Should I Go (2001) a reçu le prix du meilleur film à la première édition du festival DokuFest.

Nita Deda (Pristina, Kosovo, 1987) a réalisé des études en Médias et Communications à l’Empire State College à Prague de l’Université d’État de New York. Elle est présentement directrice des communications pour le festival DokuFest, Festival international du documentaire et du court métrage. Elle a travaillé à titre d’éditrice du contenu vidéo du site web Kosovo 2.0 et était en charge des communications pour le premier pavillon de la République du Kosovo lors de la 55e édition de la Biennale de Venise.

Gordana Macanović (Banja Luka, Bosnie-Herzégovine, 1979) a étudié la langue et la littérature anglaise et enseigne présentement l’anglais dans une école secondaire.

Mladen Miljanović (Zenica, Bosnie-Herzégovine, 1981) a fréquenté l’école des officiers de réserve où il a obtenu le grade de sergent. Après la fin de son mandat militaire, il a complété des études de maîtrise en peinture à l’Académie des arts de l’Université de Banja Luka. Son travail est présenté sur la scène internationale et il représentait la Bosnie-Herzégovine dans le cadre de la 55e édition de la Biennale de Venise. En 2007 il recevait le prix ZVONO.

Renata Poljak (Split, Croatie, 1974) est diplômée de l’École des beaux-arts de Split et a obtenu un diplôme d’études supérieures de l’École régionale des beaux-arts de Nantes. Son travail a été largement diffusé, dans des expositions solo et de groupe, de même que dans des biennales et des festivals. Ses œuvres sont présentées à Optica (jusqu’au 20 décembre 2014) et à Occurence (jusqu’au 14 janvier 2015). Elle est récipiendaire de nombreux prix.

Kamer Şimşek (Prizren, Kosovo, 1983) a des études en radio et télévision de l’Université Trakya en Turquie où il a réalisé des courts-métrages. Il a travaillé sur des projets de séries, de publicités, de documentaires et de courts-métrages. Après ses études, il retourne au Kosovo où il co-fonde le Lucida Visual Arts Society.



 
Dazibao remercie le commissaire et les artistes de leur généreuse collaboration ainsi que ses membres pour leur soutien.

Dazibao reçoit l’appui financier du Conseil des arts et des lettres du Québec, du Conseil des arts du Canada, du Conseil des arts de Montréal, du Ministère de la Culture et des Communications et de la Ville de Montréal.