Décembre 1935
La décision est prise lors d’une conférence à Ottawa d’établir un service aérien à travers l’Atlantique Nord. Des représentants du Canada, du Royaume-Uni, de l’Irlande et de Terre-Neuve concluent sur la nécessité de construire un aéroport à Terre-Neuve, à proximité du lac Gander. Longeant la grande route circulaire, la plus courte distance aérienne entre New York et Londres, cet emplacement apparait idéal. Les rumeurs veulent que cette décision aurait été influencée par la menace croissante de la guerre. Suite à la conférence, la British Overseas Airlines Corporation (aujourd’hui British Air) engage des pilotes pour trouver un site adéquat pour l’aéroport. Ils choisissent Botwood pour y installer une hydrobase ainsi qu’un site près de Milepost 213, aujourd’hui connu sous le nom de Gander, comme base terrestre pour les avions. Avant le début des travaux, la forêt est rasée pour la construction de quartiers d’habitations et de maisons pour les cuisiniers afin d’accommoder les travailleurs, majoritairement des travailleurs de la classe ouvrière provenant des villages de pêcheurs de Terre-Neuve.
Juin 1936
La construction de l’aéroport débute sur le site près de Milepost 213. Le gouvernement de Terre-Neuve assume la responsabilité du développement de Botwood et de Gander avec le soutien financier et technique du Ministère britannique de l’Air. Le gouvernement britannique prend en charge 80% des couts de construction et prête le 20% restant au gouvernement terre-neuvien. Une équipe de 900 employés est formée pour construire ce qui deviendra à l’époque le plus grand aéroport au monde.
11 janvier 1938
Le premier avion atterrit à l’Aéroport de Terre-Neuve (aujourd’hui nommé l’Aéroport international de Gander), un modèle Fox Moth VO-ADE exploité par Imperial Airways pour le gouvernement de Terre-Neuve et piloté par le capitaine Douglas Fraser.
Septembre 1939
La Seconde Guerre Mondiale commence et l’aéroport de Gander est prêt pour des opérations civiles. C’est alors le seul aéroport opérationnel des Maritimes, ce qui lui confère une valeur stratégique unique. Pendant la guerre, il devient la principale zone de transit pour les avions des alliés se dirigeant vers l’Europe. Son emplacement en fait un point de ravitaillement de carburant et d’entretien idéal pour les bombardiers qui volent outre-mer.
10 novembre 1940
Le capitaine D.C.T. Bennett dirige la première flotte de sept bombardiers Lockheed Hudson à travers l’Atlantique, de Gander jusqu’en Grande-Bretagne. Cette flotte est la première d’un projet de l’Atlantic Ferry Organization (Ferry Command) qui envoie des avions nouvellement construits outre-Atlantique. Plus de 10 000 avions sont transportés outre-mer depuis Gander et Goose Bay pendant la guerre. Selon Winston Churchill, Gander est « le plus grand transporteur d’avions de l’Atlantique Nord ».
1940
Le gouvernement de Terre-Neuve remet entièrement le contrôle de l’aéroport entre les mains du gouvernement canadien et de l’Aviation royale canadienne (ARC), qui devient une base militaire aérienne transportant en continu des avions vers les zones de guerre. En plus des opérations dirigées par le Ferry Command, des avions sont envoyés vers des sites d’escales pour y effectuer des patrouilles anti-sous-marines dédiées à traquer des sous-marins allemands U-Boot dans l’Atlantique Nord-Ouest. Des milliers de soldats des forces aériennes américaines et de l’Aviation royale canadienne transitent par Gander. La Marine royale canadienne installe une station de radio navale à l’aéroport qui servira de poste d’écoute pour détecter les transmissions et les positions des sous-marins et bateaux ennemis.
Septembre 1945
La guerre est terminée et le gouvernement de Terre-Neuve reprend le contrôle de l’aéroport qui est reconvertit en point de ravitaillement de carburant pour les vols transatlantiques, mais conserve la station de radio. L’aéroport est officiellement nommé Aéroport international de Gander et des améliorations sont apportées aux pistes et aux terminaux. À la fin de 1945, Pan-American World Airways, Trans-World Airline, Trans Canada Airlines (plus tard Air Canada) et British Overseas Airway Corporation offrent un service aérien régulier en passant par Gander. Après la guerre de nombreuses familles débarquent dans la ville aéroportuaire de Gander, où les emplois sont abondants. Les camps militaires sont transformés en habitations pour ces familles et les bureaux de l’Aviation royale canadienne sont convertis en chambres pour les passagers attendant le ravitaillement des avions. D’autres édifices sont transformés en écoles, en églises et en établissements commerciaux pour la communauté grandissante de Gander, qui devient une ville cosmopolite semblable à une base militaire, construite à côté des pistes de décollage et d’atterrissage.
18 septembre 1946
Un avion civil — un Sabena DC-4 — s’écrase à Gander. Il s’agit du premier accident d’avion majeur au monde. Pour la première fois dans l’histoire, des hélicoptères sont utilisés dans l’opération de sauvetage. 26 personnes sont tuées dans l’accident.
Années 1950
Pendant cette période, Gander figure parmi les aéroports internationaux les plus achalandés grâce au trafic transocéanique ainsi qu’aux 13 000 avions et 250 000 passagers gérés annuellement. L’aéroport participe à un programme national destiné à démontrer au monde entier, par une architecture impressionnante, que le Canada est un pays moderne et cosmopolite. Inaugurée en 1959, l’aire d’embarquement pour les vols internationaux devient le chef-d’œuvre de l’aéroport. Il est considéré par plusieurs comme l’espace moderne le plus notable parmi les petites villes canadiennes, avec une murale d’une largeur de 22 mètres réalisée par le peintre canadien Kenneth Lockhead, un sol en terrazzo dont les motifs géométriques rappellent Mondrian ainsi que des meubles de designers avant-gardistes canadiens et internationaux de renom tels que Charles et Ray Eames, Robin Bush, Jacques Guillon et Arne Jacobsen. Souvent comparé à l’esthétique de la série Mad Men, l’intérieur de la salle d’embarquement est demeurée à ce jour dans son état original, à l’exception de l’ajout de nouveaux couloirs de verre et d’aluminium pour des raisons de sécurité.
19 juin 1959
La Reine Elizabeth II, accompagnée du Prince Phillip, visite Gander et inaugure officiellement le nouveau terminal.
Années 1960
Parmi les visiteurs de renom de Gander notons Frank Sinatra, à qui on aurait dit d’attendre son tour alors qu’il tentait de couper la file d’attente pour le bar du h. Elizabeth Taylor, voyageant avec Richard Burton, et Jackie Kennedy ont été vues retouchant leurs cheveux et leur maquillage devant le long miroir de la salle des toilettes des femmes. Les Beatles foulent le sol nord-américain pour la première fois à Gander en février 1964, en route vers New York pour participer à l’émission Ed Sullivan Show, leur première apparition à la télévision nord-américaine.
Malgré le passage de nombreuses célébrités, cette période marque le début d’une nouvelle ère pour l’aéroport de Gander. L’arrivée des avions à réaction, permettant désormais de traverser l’Atlantique sans escale, provoque une baisse importante de l’utilisation de l’aéroport par les transporteurs réguliers devant s’arrêter à Gander pour se ravitailler en carburant, la principale source de trafic de l’aéroport. De plus, à mesure que les résidents commencent à s’installer dans la ville nouvellement construite de Gander, les vieux bâtiments de l’aéroport sont démolis et la ville aéroportuaire de Gander cesse d’exister. Cette diminution soudaine de l’activité de l’aéroport a contribué à la préservation de son architecture unique — évitant les continuelles réparations et rénovations d’usage. Gander demeure une capsule temporelle incomparable du design moderne des années 1960.
24 décembre 1972
Sur son chemin du retour de la Russie où il célébrait le 55e anniversaire de la révolution russe, le premier ministre cubain Fidel Castro est dérouté vers l’aéroport de Gander en raison d’un blizzard. Il passe la veille de Noël à Gander, où il participe à une visite historique de la ville et s’adonne à la luge.
Juin 1978
Muhammad Ali fait escale à Gander après une tournée de deux semaines en URSS. De retour en Amérique du Nord, avec une grande envie de manger un repas occidental, il commande un hamburger au restaurant du lounge. Il pose pour des photos et signe des autographes avec enthousiasme.
Début des années 1980
En provenance de l’Europe de l’Est et de l’Amérique, les avions IL-62 d’Aeroflot (Russie), CSA (Tchécoslovaquie), Cubana (Cuba), Interflug (Allemagne de l’Est) et LOT (Pologne) visitent quotidiennement Gander. Interflug, Cubana et Aeroflot utilisent également Gander, de Moscou et de Berlin jusqu’à La Havane. Ces escales à Gander sont bientôt connues des réfugiés potentiels, et les déserteurs commencent à réclamer l’asile politique à l’aéroport. Les politiques d’immigration sont resserrées afin d’éliminer une grande partie de ce trafic. Des dignitaires soviétiques tels que Nikita Khrouchtchev fréquentent également l’aéroport à cette période.
12 décembre 1945
Arrow Air Flight 1285 s’écrase sur la piste 21, tuant 8 membres de l’équipage et 248 soldats américains rentrant au pays pour Noël à la suite d’une mission de paix dans le désert du Sinai. L’explosion brûle et déboise la partie sud de la route transcanadienne, le long du lac Gander où se trouve toujours un monument commémoratif à la mémoire de ce qui demeure à ce jour le plus grand accident d’aviation connu au Canada.
11 juillet 1986
Margaret Thatcher atterrit à Gander et signe le livre d’or, peu après avoir autorisé en avril 1986 des chasseurs américains à utiliser les bases des Forces aériennes royales pour bombarder la Libye, en réponse au bombardement présumé d’une discothèque berlinoise.
11 septembre 2001
Alors que l’espace aérien des États-Unis est fermé en raison des attentats terroristes, l’aéroport de Gander accueille 38 avions transportant au total 6 122 passagers et 473 membres d’équipage dans le cadre de l’opération Yellow Ribbon. À l’exception d’Halifax, Gander reçoit le plus grand nombre de vols parmi les aéroports canadiens participant à l’opération. Transports Canada et NAV Canada ordonnent aux pilotes en provenance d’Europe d’éviter les aéroports dans les grands centres urbains du centre du Canada; Gander est en mesure de recevoir autant de trafic en raison de sa capacité à accueillir de gros avions. L’hospitalité exceptionnellement généreuse des communautés locales de Terre-Neuve envers les voyageurs bloqués est légendaire et reconnue comme l’une des rares histoires positives de cette journée. La comédie musicale primée Come From Away (2015) en relate l’histoire.
24 avril 2007
Bill Clinton et George Bush Sr., anciens présidents américains, passent par Gander en route vers Moscou pour les funérailles de l’ancien président russe Boris Yeltsin.
Avril 2014
L’administration de l’Aéroport international de Gander présente des plans pour remplacer le terminal existant par un bâtiment plus petit et plus efficace. L’aéroport international de 200 000 pieds carrés sera remplacé par un bâtiment quatre fois plus petit dans le but d’assurer sa pérennité. Le PDG de l’époque explique que malgré le rôle encore crucial et stratégique de l’aéroport de Gander, il ne profite plus du trafic d’autrefois et les couts d’entretien du terminal historique grugent les profits. Les résidents et les défenseurs du patrimoine sont préoccupés par le sort de l’ancien bâtiment et luttent pour sa préservation en tant que site historique.
Janvier 2015
Les dessins du nouveau terminal sont révélés, les couts de construction s’élèvent à 40 millions de dollars. Pourtant le trafic de passagers augmente de 27%, soit la plus forte croissance annuelle parmi les provinces de l’Atlantique, et l’aéroport reçoit le plus grand nombre de passagers depuis 1980. Le terminal vieillissant demeure malgré tout un fardeau financier en raison de ses systèmes désuets et des besoins constants d’entretien et de réparation. À titre de membre du Réseau national d’aéroports (RNA), distinct des autres aéroports régionaux détenus par Transports Canada, il lui est interdit d’appliquer pour obtenir des fonds fédéraux. Le dollars canadien est instable et l’aéroport fait face à un fardeau financier de 80 000 $, loyer qu’il devra payer au gouvernement fédéral à l’approche imminente de l’expiration de la clause de report de bail en 2016.
Le mobilier du lounge serait acquis par The Rooms, le plus grand espace culturel public de Terre-Neuve.
Aout 2017
Dans le cadre de la révision de la planification de ses immobilisations, l’administration de l’Aéroport international de Gander règle le problème en annonçant qu’elle choisit plutôt de rénover son aérogare. Cette option permettra des mises à niveau et des améliorations majeures tout en évitant les couts faramineux d’un nouveau bâtiment. Cela permettra également de conserver et restaurer l’aire historique d’embarquement pour les vols internationaux, qui sera désormais utilisée pour les vols domestiques. Les couts pour les rénovations proposées s’élèvent à 26,4 millions de dollars. Cependant, le gouvernement fédéral répond à 7 ans de lobbying en adoptant un changement de politique qui permet désormais aux aéroports membres du RNA, comme Gander, d’appliquer pour obtenir du financement fédéral. Des discussions sont en cours avec des représentants du gouvernement à ce sujet.