Screaming Screen [Écran hurlant]
Rachel Rossin, Frances Scott, P. Staff et Yuri Yefanov
Du 17 novembre 2022 au 21 janvier 2023
Vernissage le 17 novembre à 18 h
— Facebook
Le titre du programme, Screaming Screen [Écran hurlant], a été retenu pour inférer et, en quelque sorte reconnaitre, l’anxiété et la violence induites par notre société alors même que nous sommes au bord d’un effondrement environnemental et moral. De plus, ce titre interroge le rôle des images dans cette crise. Les œuvres ici rassemblées posent un regard sur la manière dont les mondes réels et surréels — avec des images provenant de sources archivistiques autant que générées par ordinateur — sont non seulement brouillées, mais aussi matériellement liées. Le spectacle du Technocène est rendu possible par la nécropolitique et l’extractivisme tout en offrant une échappatoire ou une alternative à la non-habitabilité laissée dans son sillage. Pendant que la planète vit une mort en accéléré, et que les corps vivants sont pris dans son tourbillon, à quoi ressemblera la disparition ? Même si les images numériquement traitées ou générées peuvent présenter des imaginaires fictionnels, elles suggèrent en fait que nous vivons déjà dans la dystopie que nous redoutons. De telles scènes cauchemardesques ont été décrites en littérature et en peinture depuis des siècles mais les interprétations présentées dans ce programme reflètent le présent plutôt qu’elles ne se projettent dans le futur.
Programme
— 45 minutes
Frances Scott, PHX [X is for Xylonite] [PHX (X signifie Xylonite)] (2019) — 12 min. 54 sec.
Le titre, PHX [X is for Xylonite], renvoie au nitrate de cellulose, autrement connu sous le nom de xylonite, qui a servi de base à l’émulsion des pellicules et à la production d’accessoires en cinéma jusqu’au milieu du XXe siècle. Réorientant les antagonismes entre l’organique et le synthétique, avançant plutôt à travers des strates relationnelles, Frances Scott médite sur les moyens de production de l’image et sur les manières dont l’historicité est déclinée par l’Anthropocène. Des images 3D de biens en plastique, comme puisés dans un futur-passé via la numérisation, flottent au-dessus d’un film 16 mm traité manuellement avec, entre autres, des séquences du site de démolition de l’usine originale du « Parkesine » (celluloïd) dans l’est de Londres. Pendant que des extraits du texte « Le Plastique » (1957) de Roland Barthes sont lus en anglais par la docteure Miriam Wright, technicienne en laboratoire de chimie polymère, des sentiments d’incrédulité et de miracle fusionnent. Ici, le potentiel de transformation soi-disant illimité du plastique est à la fois une comparaison et un facilitateur matériel pour l’accomplissement d’une certaine version de la mythologie personnelle de l’humanité — et simultanément de sa désintégration fatidique.
Rachel Rossin, The Maw of [La gueule de] (2022) — 4 min. 38 sec.
Réalisé à partir d’images de réalité virtuelle en temps réel et de nouvelles techniques d’animation en IA, l’avatar de l’artiste — une harpie moitié oiseau moitié être humain — tourbillonne rapidement dans de fantastiques paysages virtuels, eux-mêmes envahis par des images défilantes appropriées du lancement de presse du Neurolink d’Elon Musk. Utilisant des diagrammes et une science simplifiée conçue pour avoir un ton inspirant, la compagnie d’implants neuraux présente l’interface cerveau-machine alors en développement. La harpie (que l’artiste utilise depuis l’âge de 15 ans) navigue dans le domaine sémiotique de ces avancées technologiques comme s’il s’agissait d’un jeu vidéo. En sondant les moyens visuels et textuels par lesquels sont communiqués ces développements, Rossin soulève des enjeux liés à l’autonomie et à la littératie technologique à une époque où les dispositifs et les corps ont commencé à être synthétisés.
P. Staff, On Venus [Sur Vénus] (2019) — 13 min. 06 sec.
Le premier segment de On Venus compile des séquences trouvées provenant de l’industrie de l’élevage commercial : images d’animaux agonisants, de chairs et de fluides, de sécrétions comme l’urine, le sperme et les hormones, lesquelles dans plusieurs cas sont extraites pour la science médicale. Heureusement, si l’on peut dire, comme dans un autre monde, les couleurs ont été inversées. Mais ce monde, dans lequel la souffrance est réparée en redistribuant la violence, est néanmoins reconnaissable. Comment décide-t-on, qui ou quoi mérite de vivre ?
Comme l’a suggéré Staff, les images de cette nature, aussi crues, n’ont pas plus de sens que la violence elle-même. C’est peut-être, d’ailleurs, cette impasse qui déclenche un deuxième segment décalé, dans lequel on décrit une réalité sur Vénus qui n’est ni vivante ni morte. Cet endroit où il n’y a pas de saisons et où les océans ont disparu, où la communication est chimique et le corps acide, cet endroit pas totalement différent de la Terre, abrite une forme de vie parallèle qui endure cette violence ambiante.
Yuri Yefanov, The Wind Probably [Le vent probablement] (2021)
— 10 min. 41 sec.
Un narrateur hors champ regarde le quartier de Podil, à Kiev, mais l’image passe par un filtre de résidu numérique calcifié, comme augmenté d’êtres et d’éléments architecturaux virtuels. La familiarité et la possibilité de s’orienter semblent avoir été aspirées par un trou noir. Plus sévère que l’ennui, la désincarnation légitime est une conséquence de l’évidage de la vie. Flottant, le personnage entre et sort de banales discussions avec des proches qui apparaissent via des interfaces intermittentes, alors que se déroulent d’autres discussions plus sérieuses avec une espèce d’intelligence artificielle : « Et nous ne pourrons pas respirer, manger, nous deviendrons quelque chose d’autre. Puis, après la mort, si elle existe, nous tomberons aussi dans l’anarchie, semblerait-il. »
Rachel Rossin est une artiste visuelle multimédia, chercheuse et programmeuse informatique qui vit et travaille à New York. Elle est née et a grandi en Floride. À l'âge de 8 ans, elle a commencé à apprendre la programmation par ses propres moyens. Elle est reconnue à l’international pour avoir développé des techniques uniques qui mêlent des environnements de réalité virtuelle ou augmentée à la peinture et à la sculpture.
En 2015, Rossin a reçu la première bourse de recherche en réalité virtuelle pour l’incubateur NEW INC du New Museum (New York), où elle a développé son travail pour l'édition 2017 de New Frontier du Sundance Film Festival et pour l'exposition First Look : Artist's VR coprésentée par Rhizome et le New Museum. En 2017, elle a été nommée dans le classement annuel 30 Under 30 de Forbes et a reçu le Prix Ars Electronica en animation par ordinateur en 2020. Le travail de Rossin a été présenté à l'Université Stanford, à la Städelschule (Francfort), au Pratt Institute (New York), à la School of the Art Institute of Chicago et au Massachusetts Institute of Technology.
Frances Scott est une artiste établie à Londres qui travaille avec l’image en mouvement. Son travail explore les récits historiques et les appareils cinématographiques au travers desquels ils prennent forme, en ressuscitant des éléments fragmentaires ou oubliés pour faire diverger les compréhensions antérieures. Parmi ses expositions et projections figurent des présentations aux Rencontres internationales Paris/Berlin, au International Short Film Festival Oberhausen, à la transmediale, au HKW Haus der Kulturen der Welt et au CTM Festival (Berlin), au New York Film Festival, à la Matt's Gallery, à The Bower, au Annely Juda Fine Art et à la Whitechapel Gallery (Londres).
Frances Scott a reçu le Stuart Croft Foundation Moving Image Award (2017), et travaille actuellement sur un nouveau film commandé par TACO! (Londres) pour une exposition solo et une publication.
P. Staff est un·e artiste interdisciplinaire, performeur·se et écrivain·ne britannique qui vit et travaille entre Los Angeles et Londres. Le travail de Staff combine l’installation, la vidéo, la performance et l’édition pour aborder la violence de la biopolitique, en particulier en relation avec le corps queer, non binaire et trans.
Son travail a été exposé, entre autres, au Irish Museum of Modern Art (Dublin), au Dundee Contemporary Arts, au Museum of Contemporary Art (Los Angeles), au New Museum (New York), à la Contemporary Art Gallery (Vancouver), au Tate Liverpool, aux Serpentine Galleries, Chisenhale Gallery et au Tate Modern (Londres).
Yuri Yefanov est un artiste et cinéaste Ukrainien qui vit et travaille à Kiev. En quête de sens, son travail problématise les structures d'interactions dans la vie quotidienne et la politique en concevant ses propres systèmes ou mythologies — à la fois sérieux et ironiques.
Yefanov est diplômé de la faculté de réalisation de films et de télévision de l'Université de la culture et des arts de Kiev. Il a participé à plusieurs festivals de cinéma et expositions en Europe et en Amérique du Nord, notamment au Athens Digital Arts Festival, au WNDX Festival of Moving Image (Winnipeg) et au Mystetskyi Arsenal (Kiev). Plus récemment, son travail a été présenté au Musée Art & Histoire (Bruxelles) et au International Short Film Festival Oberhausen.
Autre exposition
Julie Tremble
Du 17 novembre 2022 au 21 janvier 2023
Médiation
À l’image — Takeover 2
À l’image — Takeover est un projet d'art participatif pour lequel, pour une deuxième année, un groupe de jeunes montréalaises est invité à intervenir et à réagir à la programmation des expositions de Dazibao, en collaborant entre elles ainsi qu'avec leur mentore, l'artiste Veronica Mockler.
Un programme vidéo préparé pour Dazibao par France Choinière, assistée de Yuko Fedrau, Emma-Kate Guimond et Marie Saadeh. Dazibao remercie les artistes de leur généreuse collaboration ainsi que son comité consultatif pour son soutien.
Dazibao reçoit l’appui financier du Conseil des arts et des lettres du Québec, du Conseil des arts du Canada, du Conseil des arts de Montréal, du Ministère de la Culture et des Communications et de la Ville de Montréal.
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