La pratique de Steven Cottingham met l'accent sur la nature construite des images, non pas pour souligner leur caractère factice, mais plutôt pour révéler les systèmes technologiques et les conditions sociales qui en impactent le sens. Lines Drawn in Sand Become a Valley rassemble une série d'œuvres vidéo qui réfléchissent sur les jeux de guerre et les simulations, en questionnant leurs usages. S’agit-il de représentations de la guerre ou de modèles potentiels pour la guerre ? Plus encore, comment les idéologies liées à la guerre et aux mesures d'urgence dépendent-elles de l'amalgame entre le réel et la représentation pour maintenir leur légitimité ?
Les deux principales œuvres vidéo de l'exposition, As far as the drone can see [Aussi loin que drone puisse voir] et Magic Circles Ringed in Barbed Wire (Cercles magiques entourés de barbelés), bien qu'elles modifient le genre dans leur forme, pourraient être contextualisées comme du photojournalisme virtuel. L'artiste fait ici incursion dans le monde virtuel d'Arma 3, une simulation militaire largement utilisée par les programmes de formation des forces de l'ordre, les sociétés militaires privées et les « wargamers ». Au-delà de la documentation du monde virtuel, Cottingham se joue du jeu pour le subvertir — ou l'envahir. Il bouscule le paysage de sa propre historicité. Il remplace, par exemple, les panneaux publicitaires par des photos d'archives montrant des réfugiés de guerre qui auraient pu traverser ce territoire. Pour complexifier la surface du monde soi-disant photoréaliste du jeu, il intègre des peintures commémoratives rappelant les contextes sociopolitiques plus larges dans lesquels les guerres se produisent — les personnes, les femmes en particulier, qui à proximité de la guerre sont tenues à distance. De manière peut-être plus transgressive, il intègre une joueuse et une cellule de combattants genderfluid dans ce monde entièrement habité d’hommes, révélant la manière dont les doctrines de la guerre interviennent sur l'identité et le genre, et comment leur duplication dans des cadres virtuels fait fi de la réalité et invisibilise de nombreuses victimes