Notes historiques sur les Couvertures de traite et les clochettes
par Emerson Nanigishki’ing

 

Histoire de migration

Aaniin Emerson Nanigishki'ing ndiiznikaaz Rama Anishnaabe ndaw, je suis un Indien de Rama. Oui, ce que je connais de cette histoire, je ne peux que l'imaginer, car elle s'est déroulée il y a longtemps. Certains disent qu'il a fallu 500 ans pour arriver ici depuis la rive est de la mer, lorsque nous avons trouvé de la nourriture sur les eaux de ce que nous considérons maintenant comme notre pays, de l'est de Waabaanong aux nombreux lacs et eaux du Minnesota et du Manitoba. Cette histoire et la prophétie constituent une partie importante de notre cérémonie de migration, et la mémoire de ces évènements est inscrite dans notre sang.

À cette époque, nous vivions relativement en paix (bzaantemagad). Familiers avec de nombreux sites, nous campions et pouvions voyager en vivant comme le Grand Esprit voulait que nous vivions en tant qu’Anishinaabe, avec nos cérémonies et nos épistémologies intactes. Nous savions qu'il y avait sept principaux lieux d'arrêt : L'ile en forme de tortue Montréal, Big Sound Water Niagara Falls, Detroit River Walpole Island, Manitoulin Island, Rapids Sault St. Marie, Spirit Island Duluth et Madeline Island, Lake Superior.

 

Extermination systémique

Historiquement, les Couvertures de traite étaient utilisées comme des cadeaux aux nations pour signifier des ententes concernant l'utilisation des terres, c'est-à-dire les déplacements sur les terres d'une nation. L'entente la plus importante à cet effet a été conclue avec la Proclamation royale de 1763 du gouvernement britannique, selon laquelle nos deux nations voyageraient séparément et ne se dérangeraient pas l'une l'autre, seraient toujours en paix ensemble, chacune dans ses propres canots, chacune ayant ses propres coutumes culturelles, l'homme blanc ayant les siennes.

 

Respectueusement

À cette époque, la situation était tumultueuse pour notre peuple. La vie était dure car des terres et des ressources nous étaient volées tant aux États-Unis qu'au Canada. Il y a eu des massacres de nations entières Anishinaabe par le biais de guerres, d'épidémies, de relocalisations et de marches forcées, de traités rompus et de famine, sous la direction du président Andrew Jackson, du premier ministre John MacDonald et de nombreux autres dirigeants étrangers.

Nous étions un peuple commerçant, qui scellait souvent l'accord en fumant le calumet (Zaagaaswaa'idin), le Créateur étant témoin des célébrations de festins lors de la conclusion d'accords. Il semble que nos méthodes étaient trop simples ou trop lentes pour les hommes étrangers Mayagwewniniwag. Ils voulaient accélérer leur idée manipulatrice de Destinée Manifeste ou de terra nullius (1) en infectant des couvertures avec la variole pour tuer notre peuple qui était sans défense contre une maladie étrangère. Pour clore cette section, il existe de nombreuses histoires d'atrocités commises envers notre peuple dans l'ensemble de l'ile de la Tortue (2). Le travail de Lara Kramer autour de la Couverture de traite est un rappel de cette époque et un enseignement de l'histoire du peuple Anishinaabe pendant la période des Couvertures de traite.

 

« Nous sommes toujours là »

Histoire et signification des clochettes : voici l'histoire de la création de la Robe à jingles, à notre époque. Certains disent qu’elle est apparue lors de la dernière pandémie il y a 100 ans, d'autres en même temps que la grippe espagnole (1917-1918), l'un venant de Whitefish Bay en Ontario et l'autre de Mille Lacs au Minnesota. Dans le rêve du grand-père, une jeune fille a été guérie grâce à la confection d'une Robe à clochettes pour femme, les clochettes (boites à priser) produisant un son semblable à celui de la pluie, les Anishinaabe sachant que les pouvoirs spirituels se déplacent dans l'air, qu'il s'agisse de chants ou de langues. Ainsi, aujourd'hui, le mantra est « danser pour ceux qui ne peuvent pas » et c'est une guérison très importante. Il y a beaucoup d'amour et de respect pour la Robe à clochettes. Il y a une sensation comparable à ces couvertures, offrant confort et guérison à notre peuple.

 

En conclusion

Le tintement des clochettes est une guérison. J'ai commencé à penser de cette façon lorsque Lara s'est produite l'année dernière en 2020 à Dancemakers à Toronto, avec son installation sur le riz sauvage, Eating bones and Licking bread (manger des os et lécher du pain), passant de la période des ancêtres aux 500 dernières années, dans des conditions, devrais-je dire, extrêmement indignes, pour arriver, espérons-le, à l'avenir, qui est lumineux pour notre nation.

Ces sept points d'arrêt sont également les sept prophéties du feu (3). Nous sommes maintenant en 2021, au septième feu. Nos enfants à venir doivent reprendre ces enseignements importants et, en fait, les enseigner à l'humanité car, comme tout le monde le sait, nous sommes les intendants, les gardiens de cette terre, et quiconque sera témoin des images que Lara a créées prendra l'enseignement en considération. De même, nos jeunes doivent apprendre les cérémonies et la langue. La pandémie actuelle emporte nos ainés et nos enseignants. En perdant leurs connaissances, nous sommes à un stade critique. Mii i


 

1. La doctrine de la découverte était la loi internationale qui autorisait les explorateurs à revendiquer des terres vacantes (terra nullius) au nom de leur souverain. Les terres vacantes étaient celles qui n'étaient pas peuplées de chrétiens. Si les terres n'étaient pas occupées par des chrétiens, elles étaient vacantes et pouvaient donc être définies comme « découvertes » et faire l'objet d'une revendication de souveraineté, de domination, de titre et de juridiction.

Cependant, l'Amérique du Nord était loin d'être vacante lorsque les explorateurs européens ont commencé à arriver. Lorsque Christophe Colomb est arrivé en 1492, les terres étaient en effet occupées par 100 millions [2] de peuples indigènes, soit un cinquième de la population mondiale de l'époque. Mais, comme ils n'étaient pas chrétiens, ils n'étaient pas des humains.

Elle demeure le fondement du droit canadien et, à ce titre, continue d'avoir un impact sur les peuples autochtones.

Elle confère à la Couronne la souveraineté ou le titre des terres et territoires traditionnels autochtones. Elle demeure aujourd'hui « la justification légale de l'occupation coloniale de nos terres et de nos nations ». Tant que le Canada fondera son existence sur cette doctrine, il sera difficile de le qualifier d'autre chose qu'un État raciste où une race a reçu le droit d'assujettir et de confisquer les terres d'une autre.

« Indigenous Title and The Doctrine of Discovery », [26 janvier 2020], [En ligne], Indigenous Corporate Training Inc., [https://www.ictinc.ca/blog/indigenous-title-and-the-doctrine-of-discovery], (Consulté en avril 2021) [Notre traduction].

2. L'ile en forme de tortue, Montréal, fait partie de l’histoire de la création, c’était et c’est une vision. C’est un élément fondamental de ce que nous sommes et d’où nous venons. Le pays Ojibwa, notre territoire, la terre où nous sommes est ce que nous nommons notre Mère la Terre. L’ile en forme de tortue et notre Mère la Terre ont en partage des concepts et des croyances similaires.
– Ainé anishinaabe et porteur de la langue Emerson Nanigishki’ing (membre de la Première nation Chippewas de Rama), 2021. [Notre tradcution].

3. « LE SEPTIÈME FEU » EST L'ÉPOQUE QUE NOUS VIVONS ACTUELLEMENT. Il a été prédit que dans le Septième Feu, un nouveau peuple émergerait. Une nouvelle génération qui ne laisserait pas la souffrance, la colère et les mensonges l'empêcher de découvrir la vérité sur qui elle est et ce qui s'est passé. En ce temps, le nouveau peuple regarderait en arrière sur le Sentier des Larmes de tant de générations et se demanderait « pourquoi ? ». En regardant en arrière, il remarquerait les choses que d'autres avaient laissées le long de la piste et il retournerait les ramasser et les apporterait avec lui là où nous sommes maintenant. Les choses qui ont été laissées derrière sont les diverses cérémonies, les soins, les tambours, les chants, les danses, les langues, les histoires — toutes ces choses qui donnaient un sens au fait d'être ojibwé. En essayant de trouver la Signification Originale de ces choses, la nouvelle génération a dû chercher et trouver les Enseignants et les Aînés qui possèdent ces connaissances. Elle a dû trouver ceux qui ne s'étaient pas « endormis ». En trouvant et en réclamant un sens pour eux-mêmes et à leur vie, ils ont pour tâche d'attiser les braises qui subsistent des instructions Originales pour en faire un feu de guérison, afin d'amener le plus grand nombre possible de personnes à reconstruire le Cercle Sacré de la Vie. Ils sont ceux qui ont passé leur vie à inciter les autres à s'éveiller, à découvrir et à récupérer la Culture et la Spiritualité dans le Cercle de leur vie. Ce sont eux qui inspirent les autres à marcher à nouveau sur le Bon Chemin Rouge.

Gaikesheyongai, Sally, The Seven Fires : An Ojibway Prophecy, Toronto : Sister Vision Press, 1994 [Notre traduction].


 

Dazibao remercie Lara Kramer, Ida Baptiste, Emerson Nanigishkang, Stefan Petersen, MAI, le Café Cherrier (Alexandre et Jacques Boisseau) et le Marché Bonsecours (Claude Pronovost) pour leur précieuse collaboration ainsi que le Musée d’art urbain pour avoir fait don des panneaux.

Dazibao reçoit l’appui financier du Conseil des arts et des lettres du Québec, du Conseil des arts du Canada, du Conseil des arts de Montréal, du ministère de la Culture et des Communications et de la Ville de Montréal.

Dazibao reconnait être situé en territoire non-cédé de la nation Kanien'kehá: ka et que Tiohtià:ke / Montréal est historiquement connu comme un lieu de rassemblement pour de nombreuses Premières Nations et, aujourd'hui, une population autochtone diversifiée ainsi que d’autres peuples.